VOUS ETES
UN SAINT, VALMONT
02 Juin 2000
Pour clôturer sa
saison, la compagnie des Tréteaux de
l'Université présentait mardi soir, 'Quartett'
de Heiner Müller.
Adaptée et mise en
scène par Mickey Couilleau, 'Quartett' est, à
l'origine, une pièce écrite pour deux
comédiens. «Si j'ai adapté la
pièce pour quatre acteurs, et que certaines
volontés de l'auteur ont pu en être
altérées, j'ai néanmoins
respecté le texte à la lettre»,
déclarait ouvertement le metteur en scène.
Diaboliques ou trop humains, les deux protagonistes,
Merteuil et Valmont, incarnés par Véronique
Spitz et Eric Rotureau, vivent un amour bestial, entre la
haine et la mort.
Le texte est d'une fluidité remarquable, juste et
délectable, drôle et sans pitié.
Merteuil est aigrie. L'âge, la maladie et la jalousie
l'ont rendue sournoise et vengeresse.
L'inéluctabilité de la mort transpire.
L'instrument de sa revanche: Valmont, dont la
lubricité n'a d'égal que l'acharnement avec
lequel il aime multiplier les conquêtes les plus
inatteignables.
Les innocentes, Tourvel et Volange (Emeline Garcia, Nathalie
Faucheur), l'une dans la blancheur immaculée de son
mariage, fidèle jusqu'au sang qu'elle répandra
sur tout son corps après avoir succombé au
désir de Valmont. L'autre est vêtue de rouge,
ingénue et d'une candeur virginale, se laisse tomber
dans les plaisirs interdits par le Couvent, sentant son
âme avide de conquérir l'homme à tout
bout de champ. Valmont possède, Valmont dispose,
Valmont tue, Valmont meurt. Une tuerie orchestrée par
la Merteuil, guidée par le cancer, la
fatalité.
Sur scène, la simplicité du décor met
en valeur le jeu et le texte; deux grands miroirs, deux
personnages fixes, deux protagonistes au bord de la
déraison mais pas encore fous, jusqu'auboutistes.
Le texte est d'une modernité sans faille. Il met en
balance la femme et la maternité, l'homme et son
néant.
Scènes de fellation, de pénétration, la
mise en scène est sur le fil du rasoir, sauvée
par un texte envolé, sauvée par la
décence avec laquelle Mickey Couilleau jongle, entre
le talent des acteurs et la bestialité pure de l'acte
sexuel. «C'était pas mal. C'est glauque, mais
c'est drôle en même temps », dira Claire,
étudiante, «le texte est fort et la mise en
scène est vraiment bien.».
Grâce à l'humour percutant du texte et sa
finesse, la tragédie finale prend sa véritable
mesure, pesante et inéluctable. Une
réussite!
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